Portrait Nice-Matin du 12 janvier 2018 : « Christophe Chalier à coeur ouvert »
Donner la parole aux opposants du bassin Cannes-Grasse quelle que soit leur appartenance politique. Telle est la vocation de cette série d’entretiens que nous poursuivons aujourd'hui avec le Mouansois Christophe Chalier.
Le but mieux vous faire connaître les contre-pouvoirs locaux, ceux qui luttent contre les Maires en place, au nom d’idées ou d'idéologies différentes. Ou tout simplement parce qu'ils estiment qu'ils feraient mieux s'ils avaient la main.
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Entretien : Eric FAREL
Photo : Gilles TRAVERSO
Votre engagement politique ?
Rien au départ ne me prédestinait à la politique. J'ai souhaité entrer dans la vie active très vite. J'ai obtenu un BTS de génie civil et, a 20 ans, un groupe de BTP installé à Monaco m'a recruté. Bâtir, c'est dans mon A.D.N depuis toujours (rires…)
En 2007, j'ai choisi de devenir Entrepreneur. La même année, j'ai adhéré à l'UMP car, comme beaucoup, j'ai été porté par la dynamique de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Et puis, en 2011, je me suis laissé convaincre de participer à une réunion à Marseille, dédiée aux adhérents. J'y ai fait la rencontre de Jean François COPÉ, alors Secrétaire Général de l'UMP, et surtout de Michèle TABAROT, Député-Maire du Cannet.
Un an plus tard, Michèle Tabarot m'a proposé d'être son suppléant dans le cadre de sa campagne pour les élections Législatives dans la 9° Circonscription des Alpes-Maritimes.
Un vrai déclic pour vous ?
Oui, parce que le « parrainage » qu'elle m'a accordé a décidé de mon investissement personnel dans la sphère politique en me portant candidat très tôt aux élections Municipales de 2014, à Mouans-Sartoux.
Pourquoi Mouans-Sartoux ?
C’est dans mon tempérament de mener des combats difficiles. Je me suis engagé en politique pour aller porter mes convictions dans des territoires où elles sont réputées minoritaires.
En parcourant la 9° circonscription, j'ai choisi de m'engager localement pour cette ville que je connaissais déjà bien et pour laquelle mon attachement a quelque chose d'instinctif, de viscéral. Dans un département de droite comme le nôtre, j'aurais pu opter pour une voie différente mais je ne suis pas dans la logique d'un plan de carrière. Ce qui m'anime, c’est d'essayer de convaincre les gens.
Que retenez-vous de cette première campagne sur votre nom ?
Une expérience humaine incroyable et très enrichissante. J'ai adoré cela, mener campagne, aller à la rencontre des gens, construire une équipe et un projet. Et c'est quelque chose que je souhaite renouveler à l’avenir. Notre liste a recueilli près d'un tiers des suffrages face à André Aschieri cela ne s'était jamais produit dans la commune depuis qu’il était Maire. Je l’ai pris comme un signe encourageant pour la suite.
Michèle TABAROT ?
Je suis séduit par sa personnalité politique. Elle a une clarté quant à ses convictions et ses valeurs, un engagement sans ambiguïté et ça me convient parfaitement. Elle fonctionne beaucoup à « l'affectif » et moi aussi. Elle saura toujours me trouver à ses côtes en toutes circonstances. Pour moi, la fidélité et la loyauté sont deux valeurs cardinales. Et faire de la politique ne changera rien à cela.
La succession entre André et Pierre Aschieri ?
Le fond de ma pensée est très clair : c'est un déni de démocratie. J'ai beaucoup écrit, beaucoup parlé sur le sujet et j'ai toujours dit la même chose. On me rétorque : c'est légal. Certes, mais c'est bien la preuve que l'on peut avoir juridiquement raison et moralement tort.
Une phrase qui pourrait s'appliquer à François Fillon ?
J’ai très mal vécu cette affaire… A un moment, il faut savoir dire : "Je me rends compte que je dois arrêter parce que je vais entraîner dans ma chute tout un tas de gens avec moi". Michèle Tabarot avait demandé son retrait parce qu'il y avait une prise de conscience que les électeurs avaient ce doute là. Qui pour lui donner tort aujourd’hui ? La droite éliminée dès le premier tour, c'est quelque chose d'inédit.
Aujourd'hui, il y a une forme de défiance terrible à l'égard des politiques et, pour en revenir à Mouans-Sartoux, les Conseillers du groupe majoritaire ont commis une erreur lourde en privant les électeurs du choix de celui ou celle qui devait présider aux destinées communales pour les cinq ans à venir. Pour cette raison, j'avais appelé à la démission du Conseil municipal, afin de provoquer de nouvelles élections.
Vous pensez que vous auriez pu être élu ?
J'ai tendance à ne pas faire de spéculation, notamment pour une élection dont on sait qu'elle n'est jamais gagnée d'avance. Mais à l’inverse une victoire de Pierre Aschieri lui aurait conféré le panache de sortir du suffrage universel. Mon objectif était de rendre la parole aux Mouansois. Qu'ils puissent s'exprimer librement.
Dans d'autres municipalités, il n'y a pas eu de retour aux urnes...
Ailleurs, le retrait des Maires était lié à la loi sur le non-cumul des mandats. Et la différence, c'est que Pierre Aschieri était le 25e de liste sur 33. A aucun moment, les électeurs mouansois n'auraient pu envisager que le Maire puisse céder sa place à son fils. Les électeurs ont ce sentiment qu'on leur a faite à l'envers (sic). Je pense qu'on les a privés d'un vote éclairé. Mais peut être que le match qui n'a pas eu lieu en 2015 se jouera dans quelques années.
C'est l'idée d'une « Dynastie des Aschieri » qui vous agace ?
Non. Le problème, c'est vraiment ce déni de démocratie. Et j'insiste bien sur le fait que cela s'est passé seulement un an après les Municipales. Et si quelqu'un d'autre que Pierre Aschieri avait été désigné, mon raisonnement aurait été le même.
Votre regard sur André Aschieri et sa politique ?
Je ne l'ai jamais nié, j'ai beaucoup de respect pour son attachement sincère à la commune de Mouans-Sartoux.
Quel type d'opposant êtes-vous ?
Je ne suis pas dans une position d'opposant systématique. Et je le prouve avec mes amis du conseil municipal : lorsque les décisions vont dans le bon sens, nous votons les délibérations. Personne ne démentira que le fait d'avoir de l'alimentation BIO dans les cantines scolaires est une réussite. Ma gêne commence lorsque la Municipalité se contente d'agiter quelques faire-valoir en tentant d'occulter tout le reste.
Vos principaux points de désaccord avec la majorité ?
La densification urbaine de la commune, les modifications controversées du PLU, la dette excessive, l'augmentation systématique, depuis quatre ans, chaque année, des impôts locaux.
Sur la densification, en quatre ans, ce sont plus de 600 nouveaux logements qui auront vu le jour à Mouans-Sartoux. J'ai bien conscience qu’il y a 5 ou 6 ans en arrière, notre commune était la plus déficitaire des Alpes Maritimes en logements sociaux. Il y avait urgence à faire et la loi le prévoit. Mais je reproche à la municipalité de ne pas avoir anticipé ce manque. Quand on parle de Mouans-Sartoux, c'est l'idée de village qui s'impose. Les gens qui s'y sont installés il y a 20 ans s'en vont aujourd'hui parce qu'ils ne retrouvent plus ce qu'ils étaient venus y chercher.
Le PLU, la dette, les impôts ?
Par rapport aux « servitudes de mixité sociale », l'habitat pavillonnaire se trouve confronté à une réglementation de plus en plus restrictive. Les contentieux ont explosé depuis quelques années ce qui est révélateur d'un manque de concertation. Concernant la dette, elle culmine à hauteur de 17 millions d’euros pour une ville de 10.000 habitants. Si l'on prend en référence les communes de même strate, l'endettement moyen par habitant est de 1.000 euros. A Mouans-Sartoux, c'est donc 1.700 euros. Je tire la sonnette d'alarme : en 2015, la capacité de désendettement courait sur 4 ans et demi, en 2016, c'est 10 ans. Et les prévisions à l’horizon 2020 semblent aussi pessimistes.
Je dénonce, mais je propose aussi. A chaque vote du budget, je plaide auprès de la majorité pour une vraie prise de conscience. J'explique que le modèle économique de Mouans-Sartoux doit changer et que ces hausses d'impôt ne règlent rien à la situation. On est dans une fuite en avant par manque d'initiative politique forte et cela se fait toujours au détriment du contribuable.
Pierre Aschieri ?
Il s’inscrit dans la continuité du programme pour lequel la majorité a été élue. En dehors du fait qu'il ait accepté de devenir Maire, je lui reproche de se laisser porter par une forme d'élan, d'être dans la continuation de choses qui ne marchent plus aujourd'hui, bref d'expédier les affaires courantes.
Votre relation avec lui ?
Elle est cordiale. Sur le plan humain, rien d'infranchissable ne nous sépare. Politiquement, c'est différent.
Mouans-Sartoux fief de gauche : mythe ou réalité ?
Dire que c'est une ville de gauche n'est pas exact. Aux différents scrutins nationaux, avant cette Présidentielle chamboule-tout, Nicolas Sarkozy arrivait largement en tête ici en 2007 et 2012. Aux Législatives, Michèle Tabarot pour sa part avait réalisé de bons scores et remportait trois bureaux sur huit. Donc, il existe une compatibilité certaine des habitants avec les idées de la Droite et du Centre. Mais pendant 40 ans, Mouans-Sartoux a élu un homme qui avait la capacité de fédérer toutes les sensibilités communales sur son nom.
On a compris que vous serez partant en 2020 ?
La politique est un engagement sur la durée. Depuis 4 ans, je côtoie beaucoup de gens. Les lignes bougent, la parole se libère et je suis encore plus déterminé qu'en 2014, à tenter de conquérir la confiance des électeurs. Ce qui manque à la commune, c'est une vision. Moi, je pense avoir un cap et une vision. Le cap, c'est celui de la responsabilité : mettre la commune sur les rails du désendettement progressif et surtout de la réduction de la dépense publique en faisant entrer l'Administration dans le 21e siècle. Quant à la vision, je pense que Mouans-Sartoux doit devenir une ville « éco-performante ». Une formule qui résume ce que je crois intimement nécessaire en termes de développement économique – catalyseur et structurant – et de préservation durable de notre environnement.